Voix de femme : « Si seulement, tu oses abandonner cet enfant, saches que je reviendrai auprès de toi. Non pas pour te tirer l'oreille, ni même te faire une réprimande, toute ta dynastie sera oubliée et n'aura jamais existé dans la mémoire de ton peuple. Personne ne se souviendra de toi, ni même de ton fils ou de ta femme. J'anéantirai chacun de tes descendants. »

Etait-ce une malédiction ? Une promesse qu'elle se faisait à elle-même ? Il n'aurait su le dire. Mais il était resté muet le temps qu'elle lui lançait ses dernières recommandations. Ou plutôt ses dernières menaces. Il savait qu'elle ne lui ferait rien. Pas aujourd'hui. Elle restait une femme de caractère. Mais elle était aussi une femme douce et aimante. Seulement, elle était appelée ailleurs. Aussi, elle lui laissa son enfant. Leur enfant. Elle était partie. Aussi, le Roi s'en retourna vers sa chambre, son nouveau dans ses bras. Comment expliquer cette affaire à son épouse sinon parler de la magie et du charme dont la magicienne avait fait preuve sur lui ? Il soupirait déjà. Dans quel pétrin s'était-il mis ?

Chapitre I : Une famille

Il y a un Roi. Et une Reine. Ils ont eu trois enfants. Et dernièrement un quatrième. Le tout premier fut un fils. Vigoureux par sa nature. Courageux, voire téméraire, il est depuis sa naissance préparé à succéder à son père. Une noble tâche qui l'a enorgueilli très jeune. Tout du moins, vis-à-vis du peuple. Le deuxième et le troisième enfant furent des filles. La première fut une jeune femme imbue d'elle-même, de son rang social, de ses attributs plus avantageux que sa cadette. En effet, la première était fournie d'une poitrine que la seconde n'avait pas. Et pourtant, tous les Chevaliers désiraient plutôt la seconde. Que ce soit physiquement, par son visage et ses belles formes, que par son caractère plus tranquille. La première était une peste née. La seconde, la bonté incarnée. Enfin, le dernier enfant ne ressemblait à aucun autre. S'il s'entendait avec son frère et sa seconde sœur, la première fut pour lui un vrai calvaire qu'il se mit vite à fuir. Et dans ce cercle familial, chacun connaît l'histoire du petit dernier. Si la mère l'a accepté comme son propre fils, et a fait jurer les trois autres de taire l'aventure de leur père, l'aînée accepte difficilement ce statut et lui rappelle couramment qu'elle ne le considère que comme un roturier. Car au final, personne ne connaît le statut de la mère du jeune garçon, si ce n'est le père et son épouse.

« Tu crois vraiment avoir ta place ici ? Tu n'es pas des nôtres, et tu ne le seras jamais. Ta mère n'était qu'une servante dans ce château et notre père a seulement eu pitié de ta personne. Il t'a accueilli dans notre famille comme l'un des siens ... Mais jamais, je ne te considérerai comme mon frère. Tu n'es le fils que d'une roturière ! Et notre père l'a exilée. Telle est la réalité. »

Ah ! Si seulement elle savait réellement. Elle, odieuse. Elle, hautaine. Elle croit tout savoir quand elle ne sait rien. Et, un jour, cela lui tombera à la figure. Et ce jour-là, elle n'aurait jamais le temps de nier. Aujourd'hui, elle rit. Mais un jour, elle suppliera ... Car tout se sait. Et se voit. Surtout chez les Dieux.

Chapitre II : La Maladie

Si seulement la vie était facile. Mais ce n'est jamais le cas. Il y a toujours cet imprévu qui brise les rêves. Cet instant où la vie bascule d'une douce réalité à une plus brutale, plus difficile à accepter. Et si le monde a cru bien souvent que la vie d'un Prince se résume à vivre à l'écart du monde, c'est là une première erreur. Aussi, quand il se mit à aider les plus dévalorisés, cherchant ainsi à redorer le blason de sa Royauté, il fut atteint d'une maladie incurable. Attrapée dans les lieux les moins hygiéniques des villes et cités, son corps subit son premier rude coup. Et il eut bon prier qu'un Maître-Magicien ou les Dieux mêmes viennent, personne ne vint sinon le médecin royal. Atteint d'une tuberculose pulmonaire, et sans les ressources nécessaires, sa vie ne tenait plus qu'à un fil.

« Fils, que comptes-tu faire dorénavant ? Ton corps n'est plus celui d'avant. Et je crains que ton esprit en ait subi tout autant. Je sais que tu ne t'attendais nullement à cela. Mais il te faut penser à la suite. Oublie tes rêves. Tu ne peux plus voyager. Pas plus que tu ne pourras commander une armée au combat. Tu ne seras plus qu'un alité. Je sais que cette réalité est difficile ... Mais dorénavant, ta vie sera celle d'un reclus, d'un ermite. Deviens érudit ou conseiller si tu le désires, mais du reste, je t'interdis d'en faire trop. Fais-le pour moi, sinon pour ta mère défunte. »

Ah, seulement s'il savait. Sa mère n'est pas morte comme le prétend son père. Mais elle n'est pas venue pour le guérir. Elle qui est une Maître-Magicienne est restée neutre. Elle n'a pas réagi aux demandes de son fils. S'il savait, comment réagirait-il ? Aussi, avec beaucoup de peine, et une honte sans nom sur ses épaules et son cœur, il admit la logique de son père. Il se recoucha, crachant régulièrement du sang.

Chapitre III : Le Retour

Si croire qu'une vie s'achève aussi aisément, quand une maladie fait ses ravages, c'est mal penser du jeune homme. Ou plutôt ce serait croire que les entités supérieures, sa mère ici, en auraient finies avec lui. Ce ne fut guère le cas puisque quelques mois plus tard, après une journée d'érudition dans la bibliothèque royale, qu'il reçut une visite durant son sommeil. La femme, une totale inconnue qui ne prit pas la peine de se présenter mais dont la voix résonnait comme un vieux souvenir, lui tint un discours.

« Tu abandonnes déjà ? Alors que ta vie ne fait que commencer ? Tu penses que tu ne peux plus rien faire à cause de ta maladie ? Lâche et imbécile. C'est là la pensée de faibles. Et tu n'en fais pas partie. Relèves-toi plutôt que de t'apitoyer sur ton sort. Vis avec ! Comprends là. Peut-être qu'un jour, tu te rendras compte que tes tourments sont finis. Mais plutôt que de rester là, il serait temps pour toi de vivre ce que tu as choisi d'être ! »

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